|
|
Mon Enfance et moi.
Comme beaucoup de gens, jai eu une enfance. Une simple enfance, sans histoires, puisquil paraît que les enfances heureuses nont pas dhistoires
A lépoque, jécrivais « enfance » avec une minuscule à linitiale, parce que, dans ma juvénile ingénuité, je ne me rendais pas encore compte du rôle que cette Enfance allait jouer dans ma vie.
Mon Enfance et moi, nous avons grandi ensemble, comme il se doit. Plus exactement, je grandissais, et elle restait petite. Jétais bien avec elle, et elle était bien en moi. Cette cohabitation paraissait longue, on avait limpression quelle ne finirait pas
Et pourtant, lentement, imperceptiblement mais sûrement, le temps a passé, passé, repassé sans même prendre le temps de faire une seule pause café, et un jour, il a fallu se rendre à lévidence : il était temps de grandir. Mon Enfance était toujours en moi, mais elle commençait à se perdre dans ce corps devenu trop grand pour elle. Elle donnait parfois de la voix pour rappeler sa présence, mais seul un écho obstiné lui répondait. Elle a donc décidé que lheure était venue pour elle de sortir. Elle sest dissociée de lenfant que je nétais plus, elle est sortie de mon corps, et je lai vue se dresser en face de moi. Elle avait laspect dune petite fée rieuse, dun esprit des noëls passés, elle était à la fois romantique et taquine, gouailleuse et rêveuse.
Je lui ai alors demandé, dune voix émue que jessayais de dominer :
« Je suppose que si tu mapparais, cest pour me dire adieu. »
Elle est partie dun grand éclat de rire :
«Mais ça va pas, la tête ?! Je ne te quitterai jamais, à moins que tu ne le souhaites, et je sais que cest loin dêtre le cas ! Cest à partir de maintenant quon va vraiment saimer, mon grand : je serai ta frangine, ta confidente, ton pote de régiment, ton alter ego
Y a pas de meilleurs amis quun adulte et son Enfance, coco, mets-toi bien ça dans la caboche ! »
Elle avait raison
Encore aujourdhui, où que jaille, quoi que je fasse, dise ou pense, mon Enfance nest jamais loin, et quand je rentre du travail, quand jai passé quelques heures à jouer le rôle de composition dun professeur sérieux, elle surgit dès que jouvre la porte, elle me serre dans ses bras fantasmagoriques, et je létreins affectueusement comme une vieille camarade de jeu, ma chère Enfance, si multiple et si unique
Un soir où nous étions occupés à trinquer, le gobelet de lait fraise à la main, elle me commentait les planches de BD qui ornent les murs de mon salon, puis, soudain, elle a pris un ton plus grave :
« Dis-moi, jme rends pas bien compte, mais
cest pas trop dur dêtre adulte ?!
- Non, cest bien dêtre adulte. Cest mieux que dêtre un enfant. Cest un univers plus riche, on a plus de liberté, on a un horizon plus large
- Plus de responsabilités aussi, moins dinsouciance, moins dinnocence
- Daccord, mais ça fait partie du jeu. Le monde adulte est parfois décevant, mais souvent passionnant. Certes, il est loin davoir ta douceur, mais cest ce qui me permet de mesurer la chance que jai de tavoir à mes côtés. Avant, je taimais bien, mais je croyais quil ny avait que toi, donc, je ne voyais pas toutes tes qualités.
- Et tu me vois comment ? Comme un abri, un refuge, une galerie souterraine qui te permet déchapper au réel ?
- Surtout pas ! Rien de tout ça ! Tu es un baume, une pommade très efficace pour les écorchures des jours gris
Une douce présence qui me rappelle que les choses passent, mais continuent à vivre tant que la mémoire les entretient. Cest aussi grâce à toi que je me suis construit, cest toi qui mas donné les clés pour ouvrir les portes de ma vie adulte. Et cest tout ce que je demande à mon Enfance !
- Cest ce que javais envie de tentendre dire ! » répondit-elle avec un fin sourire.
Ainsi, mon Enfance veille toujours sur moi, plus espiègle quune bonne fée, plus affable quun ange gardien
Et le soir quelquefois, quand les vagues sarrêtent, comme disait Jacques Brel, jentends comme une voix :
« Dis, quest-ce quon mange, ce soir ?
- Des souvenirs !
- Quelle époque ?
- 77, un grand crû ! Et je tai préparé de petits amuse-gueules de 75.
- OK, ça me convient ! »
Voilà, vous mexcuserez, Msieurs-Dames, je dois vous laisser, jai une Enfance à nourrir !
(c) avril 2005. Texte du Chapelier fou. |
Si vous avez envie de réagir à cet essai, rendez-vous sur le forum de casimirland.
|
|
|
|
AGENDA
Casimir vous dévoile son agenda sur son site pour que vous soyez tous au courant. :))
|
|
|
|